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DEVOIRS ENVERS LES AUTRES HOMMES.


hommes, c’est-à-dire qu’il est obligé de reconnaître pratiquement la dignité de l’humanité dans tout autre homme, et que par conséquent c’est pour lui un devoir de montrer du respect à chacun de ses semblables.


§ 39.


Mépriser (contemnere) les autres, c’est-à-dire leur refuser le respect que l’on doit à l’homme en général, est dans tous les cas contraire au devoir ; car ce sont des hommes. Leur accorder intérieurement peu d’estime[1] (despicatui habere) en les comparant avec d’autres, est parfois, il est vrai, chose inévitable ; mais le témoignage extérieur de ce défaut d’estime est une offense. — Ce qui est dangereux n’est point un objet de mépris, et ce n’est pas en ce sens que l’homme vicieux est méprisable : que si je me sens assez fort contre ses attaques pour dire que je le méprise, cela signifie tout simplement que je n’ai aucun danger à craindre de sa part, alors même que je ne songerais point à me défendre contre lui, parce qu’il se montre lui-même dans toute sa bassesse. Mais il n’en reste pas moins que je ne puis refuser tout respect à l’homme vicieux lui-même, comme homme ; car, en cette qualité du moins, il n’en peut être privé, quoiqu’il s’en rende indigne par sa conduite. Aussi faut-il rejeter ces peines infamantes qui dégradent l’humanité même (comme d’écarteler un criminel, de le livrer aux chiens, de lui couper le nez et les oreilles), et qui non-seulement, à cause de

  1. Geringschätzen.