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DE LA DOCTRINE DE LA VERTU.


que ce qu’il doit. « Les prêtres, dit Kant 1[1], commettent très— souvent la faute de présenter les actes de bienfaisance comme quelque chose de méritoire. » Ce n’est point par ce côté qu’il faut que les enfants apprennent à estimer leurs actions. « Que leur cœur, s’écrie-t-il, soit plein, non de sentiment, mais de l’idée du devoir. » Ainsi l’idée du devoir doit être, selon lui, le principe fondamental de l’éducation ; fort bien, mais cette idée n’exclut point le concours de certains sentiments, qu’il est bon de cultiver aussi. D’un autre côté, je crois que le langage qu’il recommande est celui qui convient le mieux à des enfants ; mais que devient ici la distinction qu’il a lui-même établie entre la justice et la bienfaisance, et qu’il rappelait une page plus haut 2[2] ? Il y a là une difficulté qu’il n’a pas songé à éclaircir, et qui laisse planer sur cette partie de sa théorie, non-seulement une certaine obscurité, mais même une sorte de contradiction.

Pour donner aux enfants une connaissance exacte et précise des devoirs de l’homme, soit envers lui-même, soit envers ses semblables, Kant pense qu’il serait bon de mettre entre leurs mains un catéchisme, purement moral, où ces devoirs seraient exposés sous la forme la plus populaire, et qui à l’exposition de chacun d’eux joindrait certaines questions casuistiques dont l’examen serait à la fois un excellent exercice pour leur esprit et pour leur moralité. L’idée d’un catéchisme de ce genre est une des idées favorites de notre philosophe. Elle découlait en effet de sa doctrine morale, et il n’était pas homme à reculer devant cette conséquence de ses principes. Aussi se trouve-t-elle déjà développée dans les conclusions de la Critique de la raison pratique 3[3], et a-t —elle naturellement reparu dans celles de la Doctrine de la vertu, où, comme on l’a vu plus haut 4[4], joignant l’exemple au précepte, Kant trace lui-même un fragment du catéchisme moral dont il recommande l’usage. Il ne pouvait manquer de revenir sur cette idée dans ses observations sur l’éducation. Il regrette ici que l’on

  1. 1 P. 239.
  2. 2 P. 238.
  3. 3 Voyez ma traduction de cet ouvrage, p. 378, et mon Examen de ce même ouvrage, p. 231.
  4. 4 P. LIV.