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DE LA DOCTRINE DE LA VERTU.


comme une chose de nulle ou de médiocre importance…… C’est ici le lieu de faire usage du sentiment de la honte, car l’enfant le comprend très-bien dans ce cas. » Kant ne veut ici d’autre châtiment que cette punition morale 1[1] : un regard de mépris, voilà, selon lui, le meilleur moyen de punir le mensonge.

En général il faut s’appliquer à inculquer de bonne heure dans l’âme des enfants le sentiment de la dignité humaine 2[2]. C’est par là qu’on doit s’efforcer, dès que cela est possible, de les détourner du mensonge. C’est par là aussi qu’on leur inspirera l’horreur de la servilité et de la flatterie : on leur fera aisément comprendre combien il est contraire à la dignité de l’humanité de ramper devant les autres, ou de les accabler de compliments pour capter leurs bonnes grâces. C’est par là enfin qu’on les dégoûtera des vices qui ravalent l’homme au-dessous de l’animal, la gourmandise, par exemple, ou le libertinage. « Lorsque, dit Kant 3[3], le goût du sexe commence à se développer, c’est alors le moment critique, et l’idée de la dignité humaine est seule capable de retenir le jeune homme dans les bornes. » Il revient plus loin, dans sa conclusion 4[4], sur cette matière délicate, q u’on ne saurait trop méditer dans l’étude de l’éducation, et il expose à ce sujet quelques justes observations et quelques sages préceptes, auxquels je ne puis ici que renvoyer le lecteur.

Outre le sentiment de sa propre dignité et de ses devoirs envers lui-même, on doit aussi inculquer de très-bonne heure à l’enfant le respect des droits d’autrui 5[5]. Or c’est à quoi on le prépare d’abord en cultivant en lui ce troisième trait de son caractère, la sociabilité 6[6]. Pour cela il faut éviter soigneuse ment tout ce qui peut exciter l’envie chez les enfants. Ainsi on les traitera tous sur le pied de l’égalité, et l’on ne témoignera de préférence à aucun d’entre eux pour son esprit, quoique l’on puisse bien en témoigner à quelqu’un pour son caractère. Encore se gardera-t-on dans ce cas de le proposer pour modèle à ses camarades ; car ce n’est pas sur la conduite des autres, mais sur la perfection morale elle-même que chacun doit apprendre à s’estimer, « Vois comme un tel se con-

  1. 1 P. 232. Cf. p. 230.
  2. 2 P. 237.
  3. 3 P. 238.
  4. 4 P. 245.
  5. 5 P. 237.
  6. 6 P. 232.