Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome premier.djvu/369

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La considération de cette analogie est fréquente même chez les intelligences vulgaires, et on désigne souvent des objets beaux, de la nature ou de l’art, par des noms qui paraissent avoir pour principe un jugement moral. On qualifie de majestueux et de magnifiques des arbres ou des édifices ; on parle de campagnes gaies et riantes ; les couleurs même sont nommées innocentes, modestes, tendres, parce qu’elles excitent des sensations qui contiennent quelque chose d’analogue à la conscience d’une disposition d’esprit produite par des jugements moraux. Le goût nous permet ainsi de passer, sans un saut trop brusque, de l’attrait des sens à un intérêt moral habituel, en représentant l’imagination dans sa liberté comme pouvant être déterminé d’une manière concordante avec l’entendement, et même en apprenant à trouver dans les objets des sens une satisfaction libre et indépendante de tout attrait sensible.