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DU TEMPS


font ordinairement les physiciens mathématiciens), il leur faut admettre comme éternels et infinis et comme existants par eux-mêmes deux non-êtres[ndt 1] (l’espace et le temps), qui (sans être eux-mêmes quelque chose de réel) n’existent que pour renfermer en eux tout ce qui est réel. Que s’ils suivent le second parti (comme font quelques physiciens métaphysiciens), c’est-à-dire si l’espace et le temps sont pour eux certains rapports des phénomènes (des rapports de juxtaposition ou de succession) abstraits de l’expérience, mais confusément représentés dans cette abstraction, il faut qu’ils contestent aux doctrines à priori des mathématiques touchant les choses réelles (par exemple dans l’espace), leur valeur ou au moins leur certitude apodictique, puisqu’une pareille certitude ne saurait être à posteriori, et que, dans leur opinion, les concepts à priori d’espace et de temps sont de pures créations de l’imagination, dont la source doit être réellement cherchée dans l’expérience. C’est en effet, selon eux, avec des rapports abstraits de l’expérience que l’imagination a formé quelque chose qui représente bien ce qu’il y a en elle de général, mais qui ne saurait exister sans les restrictions qu’y attache la nature. Ceux qui adoptent la première opinion ont l’avantage de laisser le champ des phénomènes ouvert aux propositions mathématiques ; mais ils sont singulièrement embarrassés par ces mêmes conditions, dès que l’entendement veut sortir de ce champ. Les seconds ont, sur ce dernier point, l’avantage de n’être point arrêtés par les représentations de l’espace et du temps, lorsqu’ils veulent juger des objets dans leur rapport avec l’entendement et non comme

  1. Undinge.