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CRITIQUE DE LA RAISON PURE


d’un corps en général le prédicat de la pesanteur ; mais, comme ce concept désigne un objet d’expérience qu’il ne détermine qu’en partie, j’y puis ajouter d’autres parties également tirées de l’expérience. Au lieu d’approfondir analytiquement, comme dans le premier cas, le concept du corps en y reconnaissant certains caractères qui tous y sont compris, tels que l’étendue, l’impénétrabilité, la figure, etc. ; j’étends ici ma connaissance, et, en retournant à l’expérience, qui m’a déjà fourni ce concept de corps, j’y trouve la pesanteur toujours unie aux caractères précédents, et je l’ajoute synthétiquement à ce concept comme prédicat. C’est donc sur l’expérience que se fonde la possibilité de la synthèse du prédicat de la pesanteur avec le concept du corps, puisque, si l’un des deux concepts n’est pas contenu dans l’autre, ils n’en sont pas moins liés l’un à l’autre, mais d’une manière purement contingente, comme parties d’un même tout, c’est-à-dire de l’expérience, qui est elle-même une liaison synthétique d’intuitions[ndt 1].

  1. Cet alinéa a remplacé les deux suivants, de la première édition :

    « Il résulte clairement de là : 1o que les jugements analytiques n’étendent nullement notre connaissance, mais qu’ils se bornent à développer le concept que j’ai déjà, et à me l’expliquer ainsi ; 2o que dans les jugements synthétiques il faut que je cherche encore en dehors du concept du sujet quelque autre chose (X) sur quoi s’appuie mon entendement pour joindre à ce concept un prédicat qui lui appartienne, sans y être contenu.

    Les jugements empiriques ou d’expérience n’offrent ici aucune difficulté. En effet cette X n’est que l’expérience plus complète de l’objet déterminé par un concept A, qui n’est qu’une partie de cette expérience. Car, quoique je ne comprenne point d’abord dans le concept d’un corps en général le prédicat de la pesanteur, ce concept désigne une partie d’une expérience complète, à laquelle je puis ajouter d’autres parties qui appartiennent au même concept. Je puis d’abord approfondir analytiquement le concept du corps, en y reconnaissant certains caractères qui tous y sont compris, comme l’étendue, l’impénétrabilité, la