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c’est-à-dire encore qu’on voudrait être non plus des hommes, mais des êtres dont nous ne pouvons pas même dire s’ils sont possibles, à plus forte raison comment ils seraient constitués. L’observation et l’analyse des phénomènes pénètrent dans l’intérieur de la nature, et l’on ne peut savoir jusqu’où ce progrès s’étendra avec le temps. Mais, quand même toute la nature nous serait dévoilée, nous ne saurions encore répondre à ces questions transcendentales qui dépassent la nature, puisqu’il ne nous est pas donné d’observer notre propre esprit avec une autre intuition qu’avec celle de notre sens intérieur. En effet, c’est en lui que réside le secret de l’origine de notre sensibilité. Le rapport de cette sensibilité à un objet, et ce qui est le principe transcendental de cette unité, sont sans aucun doute trop profondément cachés pour que, nous qui ne nous connaissons nous-mêmes que par le sens interne, par conséquent comme phénomène, nous puissions employer un instrument d’investigation si impropre à trouver autre chose que phénomène sur phénomène, quelque désir que nous ayons d’en découvrir la cause non sensible.

Cette critique des conclusions qui se fondent sur de simples actes de la réflexion, a une grande utilité : c’est de démontrer clairement la vanité de tous nos raisonnements sur les objets que nous comparons entre eux au point de vue du seul entendement, et en même temps de confirmer un point sur lequel nous avons tout particulièrement appelé l’attention, à savoir que, bien que les phénomènes ne soient pas compris comme choses en soi parmi les objets de l’entendement pur, ils n’en sont pas moins les seules choses où notre connais-