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PRÉFACE DE LA SECONDE ÉDITION


ses actes visibles), à la loi physique, par conséquent comme n’étant pas libre, et, d’autre part, en tant qu’elle fait partie des choses en soi, comme échappant à cette loi, par conséquent comme libre. Or, quoique, sous ce dernier point de vue, je ne puisse connaître mon âme par la raison spéculative (et encore moins par l’observation empirique), et que par conséquent je ne puisse non plus connaître la liberté comme la propriété d’un être auquel j’attribue des effets dans le monde sensible, puisqu’il faudrait que je la connusse d’une manière déterminée dans son existence, mais non dans le temps (ce qui est impossible, parce qu’aucune intuition ne peut être ici soumise à mon concept), — je puis cependant penser la liberté, c’est-à-dire que l’idée n’en contient du moins aucune contradiction, dès que l’on admet notre distinction critique de deux modes de représentation (le mode sensible et le mode intellectuel), ainsi que la restriction qui en dérive relativement aux concepts purs de l’entendement et, par conséquent, aux principes découlant de ces concepts. Admettons maintenant que la morale suppose nécessairement la liberté (dans le sens le plus strict) comme une propriété de notre volonté, en posant à priori comme données[ndt 1] de la raison des principes pratiques qui en tirent leur origine, et qui, sans cette supposition, seraient absolument impossibles ; mais admettons aussi que la raison spéculative ait prouvé que la liberté ne se laissait nullement concevoir[ndt 2] ; il faut alors nécessairement que la supposition morale fasse place à celle dont le contraire renferme une évidente contradiction, c’est-à-dire que la

  1. Als data.
  2. Denken. Je me sers des mots concevoir et penser comme de synonymes, pour traduire cette expression. J.B.