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moins conclure sans que quelque chose soit donné, puisque rien en général ne se laisse penser sans matière. Ce qui n’est possible que sous des conditions simplement possibles elles-mêmes, ne l’est pas à tous égards. Mais c’est à ce point de vue général que l’on envisage la question, quand on veut savoir si la possibilité des choses s’étend au delà du cercle de l’expérience.

Je n’ai fait mention de ces questions que pour ne laisser aucune lacune dans ce qui appartient, suivant l’opinion commune, aux concepts de l’entendement. Mais dans le fait, la possibilité absolue (qui est valable à tous égards) n’est pas un simple concept de l’entendement, et ne peut être d’aucun usage empirique ; elle appartient uniquement à la raison, qui dépasse tout usage empirique possible de l’entendement. Aussi avons-nous dû nous contenter d’une remarque purement critique, laissant, d’ailleurs la chose dans l’obscurité jusqu’à ce que nous la reprenions plus tard pour la traiter d’une manière plus étendue.

Avant de clore ce quatrième numéro et avec lui le système de tous les principes de l’entendement pur, je dois indiquer encore le motif qui m’a fait appeler du nom de postulats les principes de la modalité. Je ne prends pas ici cette expression dans le sens que lui ont donné quelques philosophes récents, contrairement à celui des mathématiciens, auxquels elle appartient proprement, c’est-à-dire comme signifiant une proposition que l’on donne pour immédiatement certaine, sans la justifier ni la prouver. En effet, accorder que des propositions synthétiques, si évidentes qu’elles soient, puissent, sans déduction et à première vue, emporter une adhésion absolue, c’est ruiner toute critique de l’entendement.