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CRITIQUE DE LA RAISON PURE


sont devenues, par l’effet d’une révolution subite, ce qu’elles sont aujourd’hui, je devais penser que l’exemple de ces sciences était assez remarquable pour rechercher le caractère essentiel d’un changement de méthode qui leur a été si avantageux, et, pour les imiter ici, du moins à titre d’essai, autant que le comporte l’analogie de ces sciences, comme connaissances rationnelles, avec la métaphysique. On avait admis jusqu’ici que toutes nos connaissances devaient se régler sur les objets ; mais, dans cette hypothèse, tous nos efforts pour établir à l’égard de ces objets quelque jugement à priori qui étendît notre connaissance, n’aboutissaient à rien. Que l’on cherche donc une fois si nous ne serions pas plus heureux dans les problèmes de la métaphysique, en supposant que les objets se règlent sur notre connaissance, ce qui s’accorde déjà mieux avec ce que nous désirons expliquer, c’est-à-dire avec la possibilité d’une connaissance à priori de ces objets qui établisse quelque chose à leur égard avant même qu’ils nous soient donnés. Il en est ici comme de l’idée que conçut Copernic : voyant qu’il ne pouvait venir à bout d’expliquer les mouvements du ciel en admettant que toute la multitude des astres tournait autour du spectateur, il chercha s’il ne serait pas mieux de supposer que c’est le spectateur qui tourne et que les astres demeurent immobiles. On peut faire un essai du même genre en métaphysique, au sujet de l’intuition des objets. Si l’intuition se réglait nécessairement sur la nature des objets, je ne vois pas comment on en pourrait savoir quelque chose à priori ; que si, au contraire, l’objet (comme objet des sens) se règle sur la nature de notre faculté intuitive, je puis très-bien alors m’expliquer cette possibilité. Mais comme je ne saurais m’en tenir à ces intuitions, dès le