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férents remplissant l’espace ou le temps, et les quantités intensives dans les divers phénomènes peuvent être plus petites ou plus grandes, bien que la quantité intensive de l’intuition reste la même.

Nous allons en donner un exemple. Les physiciens, remarquant (soit par la pesanteur ou le poids, soit par la résistance opposée à d’autres matières en mouvement) une grande différence dans la quantité de matière contenue sous un même volume en des corps de diverses espèces, en concluent presque tous que ce volume (cette quantité extensive du phénomène) doit contenir du vide dans toutes les matières, bien qu’en des proportions différentes. Mais lequel de ces physiciens, la plupart mathématiciens et mécaniciens, se serait jamais avisé que, tout en prétendant éviter les hypothèses métaphysiques, il fondait uniquement sa conclusion sur une supposition de ce genre, alors qu’il admettait que le réel dans l’espace (je ne veux pas dire ici l’impénétrabilité ou le poids, parce que ce sont là des concepts empiriques) est partout identique et qu’il ne peut différer que par la quantité extensive, c’est-à-dire par le nombre[ndt 1] ? À cette supposition, qui n’a aucun fondement dans l’expérience et qui est ainsi purement métaphysique, j’oppose une preuve transcendentale qui, à la vérité, n’explique pas la différence dans la manière dont l’espace est rempli, mais qui supprime entièrement la prétendue nécessité de supposer qu’on ne peut expliquer cette différence qu’en admettant des espaces vides, et qui a au moins l’avantage de laisser à l’esprit la liberté de la concevoir encore d’une autre manière, si l’explication physique

  1. Menge.