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phénomène, n’est donc possible que par cette même unité synthétique des éléments divers de l’intuition sensible donnée, par laquelle est pensée dans le concept d’une quantité l’unité de la composition des divers éléments homogènes ; c’est-à-dire que les phénomènes sont tous des quantités, et même des quantités extensives, puisqu’ils sont nécessairement représentés comme intuitions dans l’espace ou dans le temps au moyen de cette même synthèse par laquelle l’espace et le temps sont déterminés en général[ndt 1].

J’appelle quantité extensive celle où la représentation des parties rend possible la représentation du tout (et par conséquent la précède nécessairement). Je ne puis pas me représenter une ligne, si petite qu’elle soit, sans la tirer par la pensée, c’est-à-dire sans en produire successivement toutes les parties d’un point à un autre, et sans en retracer enfin de la sorte toute l’intuition. Il en est ainsi de toute portion du temps, même de la plus petite. Je ne la conçois qu’au moyen d’une progression successive qui va d’un moment à un autre, et c’est de l’addition de toutes les parties du temps que résulte enfin une quantité de temps déterminée. Comme l’intuition pure dans tous les phénomènes est ou l’espace ou le temps, tout phénomène, en tant qu’intuition, est une quantité extensive, puisqu’il ne peut être connu qu’au moyen d’une synthèse successive (de partie à partie) opérée dans l’appréhension. Tous les phénomènes sont donc perçus d’abord comme des agrégats (comme des multitudes de parties antérieurement données), ce qui n’est pas le cas de toute espèce de

  1. Tout ce premier paragraphe est une addition de la seconde édition.