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ESTHÉTIQUE TRANSCENDENTALE


nez ces propositions et sur quoi s’appuie notre entendement pour s’élever à ces vérités absolument nécessaires et universellement valables. On ne saurait y arriver qu’au moyen des concepts ou des intuitions, et les uns et les autres nous sont donnés soit à priori, soit à posteriori. Or les concepts empiriques et l’intuition empirique sur laquelle ils se fondent ne peuvent nous fournir d’autres propositions synthétiques que celles qui sont purement empiriques, et qui, à titre de propositions expérimentales[ndt 1], ne peuvent avoir cette nécessité et cette universalité qui caractérisent toutes les propositions de la géométrie. Reste le premier moyen, celui qui consiste à s’élever à ces connaissances au moyen de simples concepts ou d’intuitions à priori ; mais il est clair que de simples concepts on ne peut tirer aucune connaissance synthétique, mais seulement des connaissances analytiques. Prenez, par exemple, cette proposition : deux lignes droites ne peuvent renfermer aucun espace, et, par conséquent, former aucune figure, et cherchez à la dériver du concept de la ligne droite et de celui du nombre deux. Prenez encore, si vous voulez, cette autre proposition, qu’avec trois lignes droites on peut former une figure, et essayez de la tirer de ces mêmes concepts. Tous vos efforts seront vains, et vous vous verrez forcés de recourir à l’intuition, comme le fait toujours la géométrie. Vous vous donnez donc un objet dans l’intuition ; mais de quelle espèce est cette intuition ? Est-ce une intuition pure à priori, ou une intuition empirique ? Si c’était une intuition empirique, nulle proposition universelle, et à plus forte raison nulle proposition apodictique n’en pourrait

  1. Erfahrungssatz.