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ANALYSE DE LA CRITIQUE


était la seule cause de ce conflit. C’est ce que Kant va faire maintenant pour chacune des antinomies auxquelles donnent lieu les idées cosmologiques mal interprétées.

Solution de la première antinomie.

La première antinomie est celle que soulève cette question : le monde a-t-il ou n’a-t-il pas un commencement dans le temps et des limites dans l’espace ? Pour résoudre cette antinomie, il faut partir de la distinction qu’il est nécessaire d’admettre entre la régression à l’infini (regressus in infinitum) et la régression à l’indéfini (regressus in indefinitum), et voir laquelle des deux convient au problème cosmologique dont il s’agit ici. La seconde espèce de régression se borne à remonter d’une condition à une autre plus élevée, et ainsi de suite indéfiniment, sans déterminer aucune grandeur dans l’objet même, et c’est par là précisément qu’elle se distingue de la première, laquelle prétend embrasser l’infini. Or, comme le monde ne m’est donné dans sa totalité par aucune intuition, qu’il ne peut être pour moi que l’objet d’un concept et que ce concept ne peut me le faire connaître tel qu’il est en soi, il ne peut être ici question que de cette espèce de régression. Tout ce que je puis dire ici, c’est que, quelque loin que nous soyons arrivés dans la série des conditions empiriques, il faut encore et toujours remonter plus haut ; mais je ne puis pas dire pour cela que le monde soit infini dans le temps et dans l’espace, puisque cela supposera une connaissance de sa grandeur absolue qui ne m’est point donnée par là ; et je ne puis pas dire non plus qu’il soit fini, puisqu’une limite absolue ne saurait être davantage l’objet d’aucune expérience possible. Il suit de là que, dans la première antinomie, la thèse et l’antithèse sont également fausses en tant qu’elles prétendent déterminer la grandeur absolue du monde, puisque nous ne pouvons l’admettre ni comme finie, ni comme infinie, mais seulement nous élever indéfiniment, suivant la règle de la progression, dans la série des phénomènes. L’erreur vient ici de ce que, au lieu de se contenter d’obéir à cette règle, on s’imagine atteindre par la pensée pure la grandeur absolue, finie ou infinie, du monde.

Solution de la seconde Antinomie.

La seconde antinomie, celle qui roule sur la question de savoir si tout dans le monde est composé ou si les éléments du monde sont simples, se résout de la même manière. Il y a, il est vrai, entre l’idée cosmologique qui est ici en jeu et la précé-