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ANALYSE DE LA CRITIQUE

Ce conflit portant sur les quatre idées transcendentales que nous avons indiquées plus haut, il en résulte quatre antinomies, que notre philosophe expose successivement, suivant l’ordre de ces idées, en mettant en regard la thèse et l’antithèse, et les preuves de l’une et de l’autre. Nous allons le suivre dans ce travail, en le résumant aussi brièvement que possible.

Première antinomie.

Première antinomie. Thèse : le monde a un commencement dans le temps et dans l’espace.

Preuve de la thèse.

À l’appui de la thèse, Kant invoque la preuve suivante : si l’on admet que le monde n’ait pas de commencement dans le temps, il faut admettre qu’à chaque moment donné, il y a une éternité écoulée, et par conséquent une série infinie d’états successifs des choses du monde, c’est-à-dire une chose impossible, puisque l’infinité d’une série consiste précisément en ce que cette série ne peut jamais être achevée par une synthèse successive. — De même, si l’on admet que le monde n’ait pas de limites dans l’espace, il faut admettre que le monde est un tout infini donné de choses existantes ensemble, c’est-à-dire encore une chose impossible, puisque nous ne pouvons concevoir la grandeur d’un tout, qui ne peut être un objet d’intuition, qu’au moyen de la synthèse successive de ses parties, et que, pour regarder ici cette synthèse comme complète, il faudrait qu’un temps infini fût considéré comme écoulé dans l’énumération de toutes les choses coexistantes, chose qui elle-même est impossible. Donc il faut admettre que le monde a un commencement dans le temps et des limites dans l’espace.

Preuve de l’antithèse.

L’antithèse, à son tour, repose sur la preuve suivante : si l’on admet que le monde ait un commencement, comme tout commencement est une existence précédée d’un temps où la chose n’était pas, il doit y avoir en un temps antérieur où le monde n’était pas, c’est-à-dire un temps vide ; mais, dans un temps vide, rien ne peut naître, puisqu’aucune partie de ce temps, aucun moment ne saurait contenir une raison qui détermine l’existence : pourquoi le monde aurait-il commencé à tel moment plutôt qu’à tel autre ? Il n’y aurait à cela aucune raison, soit qu’il eût son principe en lui-même ou dans une autre cause. — De même, si l’on admet que le monde est limité dans l’espace, il faut admettre un espace vide qui lui servirait de limites, c’est à-dire qu’il serait limité par rien, car le rapport du monde à