Page:Kant - Critique de la raison pure, I-Intro.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
lxiii
DE LA RAISON PURE


seul l’inconditionnel rend possible la totalité des conditions, et que, réciproquement, la totalité des conditions est elle-même toujours inconditionnelle, on peut définir le concept rationnel un concept de l’inconditionnel en tant qu’il sert de principe à la synthèse du conditionnel (p. 379-380). » Reste à tracer le système de ces concepts, ou des idées transcendentales.

Système des idées transcendentales.

J’ai déjà indiqué la méthode à laquelle Kant a ici recours : de même que la table des fonctions logiques du jugement lui a fourni celle des catégories de l’entendement, de même il calque sur le tableau des diverses espèces de raisonnements celui des idées transcendentales de la raison.

Il y a trois espèces de raisonnements : le catégorique, l’hypothétique, le disjonctif, dont chacune tend, par une série de prosyllogismes, à l’inconditionnel : la première, à un sujet qui ne soit plus lui-même prédicat ; la seconde, à une supposition qui ne suppose rien de plus ; la troisième, à un agrégat des membres de la division d’un concept (p. 380). Il doit donc y avoir trois espèces d’idées transcendentales, correspondant à ces divers rapports de l’esprit avec l’inconditionnel. Ces idées sont  : 1° celle de l’unité absolue ou inconditionnelle du sujet pensant, ou l’idée de l’âme ; 2° celle de l’unité absolue de la série des conditions des phénomènes, ou l’idée du monde ; 3° celle de l’unité absolue de la condition de tous les objets de la pensée en général, ou l’idée de l’être des êtres, de Dieu. Kant convient (p. 391} que le lien qu’il établit ici entre ces idées et les raisonnements auxquels il les fait correspondre paraît au premier abord extrêmement paradoxal ; je me permettrai de dire qu’il est plus que paradoxal, qu’il est tout à fait forcé : c’est ici en effet l’un des points où son système montre le plus manifestement tout ce qu’il a souvent d’artificiel, en dépit des efforts accomplis par l’auteur pour le rendre aussi rigoureusement scientifique que possible. Mais, sans nous arrêter sur cette observation, qui se représentera plus tard, notons avec lui que, comme le sujet pensant, ou l’âme, est l’objet même de la psychologie, l’ensemble de tous les phénomènes, ou le monde, celui de la cosmologie, et la condition suprême de la possibilité de tout ce qui peut être connu, l’être des êtres, l’objet de la théologie, la raison pure nous donne l’idée d’une psychologie transcendentale, d’une cosmologie transcendentale, et enfin d’une théologie trans-