Page:Kant - Critique de la raison pure, I-Intro.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
lviii
ANALYSE DE LA CRITIQUE


premier, ou le procédé formel et logique de la raison dans le raisonnement, peut servir à trouver le fondement du second ; et, de même que le tableau des fonctions logiques du jugement a fourni celui des catégories de l’entendement, de même le tableau des fonctions logiques du raisonnement pourra fournir celui des concepts purs de la raison.

Or, en examinant l’usage logique de la raison, on voit que le raisonnement ne consiste pas à ramener à certaines règles des intuitions, comme fait l’entendement avec ses catégories, mais des concepts et des jugements. L’usage réel de la raison ne devra donc pas non plus se rapporter aux objets ou à l’intuition que nous en avons mais seulement aux jugements portés par l’entendement ; et l’unité de la raison ne sera plus simplement, comme celle de l’entendement, l’unité qui rend possible l’expérience.

Un second caractère de la raison dans son usage logique, c’est que, comme la conclusion d’un raisonnement n’est autre chose qu’un jugement que nous formons en subsumant sa condition sous une règle générale, et que cette règle doit être soumise à son tour à une condition plus élevée, elle est conduite à remonter de condition en condition jusqu’à ce qu’elle arrive à un principe inconditionnel, d’où il suit que son principe est de trouver pour la connaissance conditionnelle de l’entendement l’élément inconditionnel qui doit en accomplir l’unité. Or, si l’on sonde ce principe, on verra qu’il n’est pas seulement une maxime logique, mais qu’il est en même temps un véritable principe synthétique de la raison pure, d’où dérivent ensuite d’autres propositions synthétiques, dont l’entendement pur ne sait rien, puisqu’il n’a affaire qu’à des objets d’expérience possible et que la connaissance et la synthèse de ces objets sont toujours conditionnelles.

Nous avons donc le droit de dire que la raison est la source de principes qui ne dérivent pas de l’entendement, puisque ceux-ci n’ont d’autre usage que de rendre l’expérience possible, ou qu’ils sont en ce sens immanents, tandis que le principe suprême de la raison est de telle nature qu’aucune expérience ne lui saurait être adéquate, et qu’il est en ce sens transcendant. Reste seulement à savoir si ce principe et les propositions fondamentales qui en dérivent ont ou n’ont pas une valeur objective, si ce n’est pas par l’effet d’un malentendu que nous prenons un besoin de la raison pour nue loi de la nature même des choses,