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ANALYSE DE LA CRITIQUE


que par son rapport à quelque chose en dehors de moi avec quoi je puisse me regarder comme étant en relation, on peut dire justement que j’ai tout aussi sûrement conscience de l’existence des choses extérieures que de ma propre existence.

La preuve opposée par Kant à l’idéalisme le réfute, selon lui, invinciblement. (Partant de ce principe, qu’il n’y a pas d’autre expérience immédiate que l’expérience interne, et que nous ne faisons que conclure de nos représentations à l’existence des choses extérieures, l’idéalisme pouvait bien dire que peut-être cette conclusion est fausse, puisque les causes de nos représentations peuvent bien être en nous-mêmes ; mais Kant prétend renverser ce principe en démontrant que l’expérience extérieure est elle-même immédiate. Il y sans doute des représentations que nous ne faisons qu’imaginer et que nous attribuons faussement à des objets extérieurs, comme il arrive dans le rêve ou dans la folie ; mais cela même serait impossible si nous n’avions pas commencé par avoir conscience de l’existence de tels objets : ces fausses représentations ne sont que la reproduction d’anciennes perceptions vraies. Mais comment savoir si telle ou telle prétendue perception ne serait pas une simple imagination ? Il suffit pour cela de recourir aux critériums de toute expérience réelle (v. p. 291).

La réfutation de l’idéalisme que je viens de résumer est une sorte de digression introduite par Kant à la suite du second des postulats de la pensée empirique ; il en restait encore un à étudier pour en épuiser la liste, celui qui concerne la nécessité.

Troisième postulat : nécessité des choses.

Il n’est pas ici question, puisque c’est de la pensée empirique qu’il s’agit, de la nécessité formelle ou de cette nécessité purement logique qui ne concerne que la liaison des concepts ; mais de la nécessité matérielle, c’est-à-dire de celle qui regarde l’existence même des choses. Or, comme nous ne pouvons connaître l’existence d’aucune chose réelle tout à fait à priori, ou par de simples concepts, mais seulement au moyen de sa liaison avec les objets de notre perception ou sous la condition d’autres phénomènes, et comme la seule existence qui puisse être reconnue pour nécessaire sous cette condition est celle des effets résultant de causes données d’après les lois de la causalité, ce n’est pas de l’existence des choses à titre de substances, mais seulement de leur état que nous pouvons connaître la nécessité ; d’où il suit