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ANALYSE DE LA CRITIQUE

(p. 284), que nous connaissons l’existence d’une manière magnétique pénétrant tous les corps, bien qu’une perception immédiate nous soit impossible à cause de la constitution de nos organes ; « mais cette connaissance n’en résulte pas moins des observations de nos sens (de la perception de la limaille de fer attirée par l’aimant), et nous pouvons dire, d’après les lois de la sensibilité et le contexte de nos perceptions, que nous arriverions à avoir une intuition immédiate de cette matière, si nos sens étaient plus délicats. » La conclusion à laquelle Kant arrive ici, et qui est un des grands résultats de sa critique, c’est que, « si nous ne commençons par l’expérience, ou si nous ne procédons en suivant les lois de l’enchaînement empirique des phénomènes, c’est en vain que nous nous flatterions de deviner ou de pénétrer l’existence de quelque chose. »

Réfutation de l’idéalisme.

Mais on conteste la légitimité de toute démonstration de l’existence des choses extérieures. Il faut donc écarter cette objection en réfutant la doctrine qui l’élève et à laquelle on donne le nom d’idéalisme. Cette réfutation de l’idéalisme a été introduite ici par Kant dans sa seconde édition. Cette addition fut sans doute suggérée à l’auteur par le besoin de défendre sa propre théorie contre l’accusation d’idéalisme qu’elle n’avait pas manqué de soulever[1]. Il n’est pas vrai de dire, comme on l’a fait, qu’elle modifie réellement la doctrine contenue dans la première édition : en effet elle se trouvait déjà dans cette première édition, au chapitre de la psychologie rationnelle, qui a reçu dans la seconde, une rédaction nouvelle ; notre philosophe n’a fait ici que la changer de place et la détacher en quelque sorte pour la mieux mettre en lumière. C’est qu’en effet plus sa doctrine est empreinte d’idéalisme, plus Kant, qui ne s’avouait pas ce caractère, devait tenir à la distinguer du système avec lequel on la confondait. C’est de même qu’il s’applique à bien distinguer son criticisme du scepticisme. Je n’ai pas à rechercher en ce moment s’il ne s’est pas fait ici illusion à lui-même : c’est là une question qui revient à la partie critique de ce travail ; il ne s’agit ici que d’analyser les idées de Kant comme lui-même les expose.

  1. V. la note de la Critique de la raison pratique, p. 145 de ma traduction.