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ANALYSE DE LA CRITIQUE


pliquer aux objets de l’intuition sensible et de transformer cette intuition en perception. C’est la nature, ou l’ensemble de tous les phénomènes, qui se règle sur les catégories de l’entendement, et non pas ces catégories sur la nature. De même que notre sensibilité imprime ses formes aux objets de notre intuition ou aux phénomènes, de même notre entendement donne ses lois à ces phénomènes. L’accord nécessaire entre les lois des phénomènes de la nature et notre entendement n’est pas plus étrange que celui qui existe entre ces phénomènes eux-mêmes et notre sensibilité. C’est toujours le sujet qui là imprime aux choses ses formes sensibles, et ici leur impose ses lois intellectuelles.

Il n’y a, en général, selon Kant, que deux manières de concevoir l’accord nécessaire de l’expérience avec nos concepts : ou bien c’est l’expérience qui rend possibles ces concepts, ou bien ce sont ces concepts qui rendent l’expérience possible. Il repousse la première explication, par la raison que les catégories étant des concepts à priori, ne peuvent avoir une origine empirique : leur usage est sans doute de s’appliquer aux objets de l’expérience, mais elles-mêmes ne sauraient en dériver. Il ne reste donc plus pour lui que la seconde. A ceux qui proposeraient une sorte de système intermédiaire, suivant lequel les catégories ne seraient ni des principes à priori de la connaissance, ni des concepts tirés de l’expérience, mais certaines dispositions subjectives, nées avec nous, que l’auteur de notre être aurait réglées de telle sorte que leur usage s’accordât exactement avec les lois de la nature auxquelles conduit l’expérience, il oppose cet argument, que, dans ce système, les catégories n’auraient plus cette nécessité qui leur est inhérente. « Je ne pourrais plus dire alors : l’effet est lié à la cause dans l’objet, c’est-à-dire nécessairement ; mais seulement : je suis fait de telle sorte que je ne puis concevoir cette représentation autrement que comme liée à une autre ; … et toute notre connaissance fondée sur la prétendue valeur objective de nos jugements ne serait plus qu’une pure apparence. « On est tenté, en lisant ces paroles de Kant (p. 192), de les retourner contre son propre système. La nécessité objective qu’il admet est-elle elle-même au fond autre chose qu’une nécessité subjective, et la connaissance, telle qu’il l’explique, autre chose qu’une apparence ? Mais je ne discute pas ici sa pensée, je me borne à l’exposer.