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DE LA RAISON PURE


faut à la connaissance une matière : c’est la sensibilité qui la lui fournit ; mais il faut aussi que cette matière, pour devenir une connaissance digne de ce nom, soit ramenée à certains concepts et par là rendue intelligible, et c’est là l’œuvre de l’entendement. Celui-ci n’est donc pas moins indispensable que celle-là à la connaissance humaine (v. p. 110-112).

Or il s’agit de soumettre l’entendement à une analyse semblable à celle qui vient d’être faite sur la sensibilité, c’est-à-dire d’en dégager tout ce qui est à priori, et de déterminer par là la valeur et la portée des éléments qui lui sont dus. C’est ce travail que Kant désigne sous le nom de Logique transcendentale, comme il a désigné le précédent sous celui d’Esthétique transcendentale.

Distinction de la logique transcendentale et de la logique générale.

La logique transcendentale se distingue de la logique générale, en ce que celle-ci fait abstraction dans la connaissance de son origine et de son contenu, ou de tout rapport aux objets, pour ne considérer que sa forme logique, la forme de la pensée en général (v. p. 115), tandis que la première a uniquement pour but de déterminer l’origine, l’étendue et la valeur objective des concepts à priori, ou des éléments purs de la pensée. Elle se distingue aussi par là de cette partie de la logique générale (la logique appliquée) qui tire de l’expérience psychologique les principes qu’elle donne pour règles à l’entendement (moyens d’éviter l’erreur, de diriger l’attention, etc.) ; la logique transcendentale n’emprunte rien à l’observation : elle doit être construite tout à fait à priori.

Division de la logique transcendentale en analytique et dialectique.

Avant d’en entreprendre l’étude, Kant y trace une division qui a une très-grande importance dans sa philosophie, et que nous indiquerons aussi d’avance avec lui. Cette division correspond à celle que l’on introduit d’ordinaire dans la logique générale, sous les titres d’analytique et de dialectique ; mais tandis que, dans la logique générale, elle est purement sophistique, elle est ici tout à fait fondée.

La logique générale, en exposant, sous le titre d’analytique, les règles universelles et nécessaires de la pensée, considérée dans sa forme ou abstraction faite de tout contenu, fournit dans ces règles mêmes des critériums de la vérité : tout ce qui est contraire à ces règles est faux, puisque l’entendement s’y met en contradiction avec lui-même ; mais précisément parce qu’elle ne s’occupe que de la forme de la pensée, et que la pure forme