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ix
DE LA RAISON PURE


Je vais en expliquer l’objet aussi clairement que possible. Nous entrons ici dans l’enceinte même de la Critique de la raison pure, au seuil de laquelle nous nous étions arrêtés jusqu’ici.

Esthétique transcendentale.

Si l’on a bien compris la pensée de Kant, on a vu que son but dans ce travail était de dégager les éléments à priori que contient la connaissance humaine afin d’en déterminer exactement la valeur et la portée. Suivant cette idée, il faut considérer successivement les diverses facultés qui servent à constituer la connaissance humaine, afin d’opérer ce dégagement sur chacune d’elles.

Fonction de la sensibilité.


Or la première de ces facultés est la sensibilité, c’est-à-dire la capacité que nous avons de recevoir des objets, par la manière même dont ils nous affectent, des représentations ou des intuitions, qui forment les premiers matériaux de la connaissance et sans lesquelles il n’y aurait pas de pensée possible. Kant n’accepterait pas dans ses termes absolus l’ancien adage scolastique : Nihil est in intellectu quod non prius fuerit in sensu ; mais il admet que l’entendement n’aurait rien à penser si le sens ne lui donnait quelque chose à quoi il pût appliquer son activité. « Toute pensée, dit-il expressément (p. 74), doit aboutir, en dernière analyse, soit directement, soit indirectement, à des intuitions, et par conséquent à la sensibilité, puisqu’aucun objet ne peut nous être donné autrement. »

Distinction de la matière et de la forme des intuitions sensibles.

Mais les intuitions contiennent déjà elles-mêmes autre chose que ce qui vient de la sensation. La matière qui les constitue est bien donnée par la sensation, mais la forme à laquelle se rapporte et où s’ordonne tout ce qu’il y a en elle de divers n’en saurait venir. Tandis que cette matière ne peut nous être donnée qu’à posteriori, cette forme existe antérieurement ou à priori dans l’esprit, toute prête à s’appliquer à la première, comme une sorte de moule. On doit donc pouvoir la considérer indépendamment de toute sensation, et c’est là précisément l’objet de l’esthétique transcendentale. Dans cette première partie de la critique de la raison pure, il s’agit donc d’une part d’isoler la sensibilité de tout ce que l’entendement peut y ajouter, et d’autre part d’en écarter tout ce qui appartient à la sensation pour n’en conserver que la simple forme, la forme pure et les principes à priori qui s’y fondent.

L’espace, intuition à priori, forme du sens extérieur.

Appliquons d’abord cette méthode au sens extérieur. Par le moyen de ce sens, nous nous représentons certaines choses comme