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ANALYSE DE LA CRITIQUE


pierre de touche pour éprouver ce genre de foi et en reconnaître le degré : c’est le pari. Tel, en effet, risquera bien un ducat ; mais, s’il s’agit de dix, il commencera à s’apercevoir qu’il, pourrait bien s’être trompé.

Foi doctrinale.

Mais, s’il est vrai qu’en général la foi se rapporte à la pratique, il faut aussi reconnaître, même dans l’ordre théorétique ou spéculatif, quelque chose d’analogue à quoi convient aussi le nom de foi ou de croyance, et que Kant désigne sous le nom de foi doctrinale. Ainsi ce n’est pas une simple opinion qui me fait dire qu’il y a aussi des habitants dans les autres mondes, mais j’ai à cet égard une très-ferme croyance, et, s’il était possible de décider la chose par quelque expérience, je parierais bien toute ma fortune que quelqu’une au moins des planètes que nous voyons est habitée. Kant rattache à cette espèce de foi la croyance à l’existence de Dieu et même à la vie future. Il n’admet pourtant pas, comme on l’a vu plus haut et comme il le rappelle ici même, qu’il y ait sur ces deux points matière à de légitimes hypothèses : cette expression donnerait à entendre que nous avons de la nature d’une cause du monde et d’une autre vie un concept que nous pouvons réellement montrer ; mais, comme l’idée d’une intelligence suprême qui a tout ordonné suivant les fins les plus sages a l’avantage de nous fournir un fil conducteur dans l’investigation de la nature, qu’ainsi il n’est pas sans utilité d’admettre une telle cause du monde, et qu’on ne saurait d’ailleurs rien alléguer de décisif contre cette supposition, celle-ci est plus qu’une simple opinion : elle mérite le nom de croyance ou de foi. Seulement cette foi purement doctrinale a toujours quelque chose de vacillant : « On en est souvent éloigné par les difficultés qui se présentent dans la spéculation, bien que l’on y revienne toujours infailliblement (pag. 385). »

Foi morale.

Il n’en est plus de même de la foi morale, à laquelle nous voici ramenés. « C’est, dit Kant (ibid.), qu’il est en ce cas absolument nécessaire que quelque chose soit fait, c’est-à-dire que j’obéisse de tous points à la loi morale. Le but est ici indispensablement fixé, et il n’y a, suivant toutes mes lumières, qu’une seule condition qui permette à ce but de s’accorder avec toutes les fins réunies, et lui donne ainsi une valeur pratique : c’est qu’il y ait un Dieu et une vie future ; je suis très-sûr aussi que