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DE LA RAISON PURE


cun suppose que cette unité rationnelle est conforme à la nature même, et que la raison ici ne prie pas, mais commande, bien qu’elle ne puisse déterminer les limites de cette unité. »

C’est sur l’idée de cette unité que repose le principe des genres, qui postule l’identité où l’homogénéité, et sans lequel l’entendement se perdrait dans l’infinie diversité des phénomènes. À ce principe est opposé celui des espèces, qui prescrit à l’entendement de ne pas faire moins attention à la variété qu’à l’homogénéité, à la diversité qu’à l’identité, et sans lequel l’entendement s’arrêterait en quelque sorte à des cadres qu’il ne remplirait pas. Ce dernier principe le pousse dans un sens différent de celui du précédent ; mais il s’accorde avec celui-ci pour porter notre connaissance de la nature à sa plus grande perfection en la ramenant à une unité véritablement systématique.

Pour compléter cette unité, la raison joint encore aux deux principes précédents un troisième principe, qui résulte de leur union, et qui prescrit à l’entendement de passer continuellement de chaque espèce à chaque autre au moyen de l’accroissement graduel de la diversité.

Ces trois principes, que Kant propose de désigner sous les noms de principes de l’homogénéité, de la spécification et de la continuité des formes dirigent ensemble l’entendement vers l’unité systématique de la connaissance. Il suit de cet usage même qu’ils ne peuvent se fonder sur l’expérience, puisqu’ils servent à la diriger et à lui donner le caractère d’un système rationnel. D’un autre côté, on ne peut les considérer comme de simples procédés de la méthode ; car alors nous ne les jugerions pas comme des lois rationnelles et conformes à la nature des choses. Sans doute cette homogénéité, cette diversité harmonieuse, cette continuité, en un mot cette unité systématique de la nature, n’est pour nous qu’une idée à laquelle nous ne saurions trouver dans l’expérience un objet correspondant, mais dont l’application à la nature reste toujours pour nous indéterminée et par conséquent purement approximative, ou, comme dit Kant (p. 246), asymtoptique ; mais cette idée n’a pourtant rien d’arbitraire ; et, puisqu’elle sert de règle à l’expérience, elle n’en a pas moins une valeur objective, bien qu’indéterminée,