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DE LA RAISON PURE


transcendentale : elle nous fournit le seul concept que la raison paisse admettre sous le nom de Dieu ; et, si elle n’en démontre pas la réalité objective, elle laisse la porte ouverte à un autre genre de démonstration. L’idéal est nettement conçu ; reste seulement à démontrer qu’il existe réellement. Or ce que la théologie transcendentale ou la raison spéculative n’a pu faire, la théologie morale ou la raison pratique le fera peut-être. Nous savons du moins que l’être dont il s’agit de démontrer la réalité est possible.

Du rôle de l’idée d’un être suprême et en général de toutes les idées de la raison pure.

Quel que soit d’ailleurs le résultat auquel arrive ici la raison pratique, il reste toujours que l’idée d’un être suprême est pour la raison spéculative un principe régulateur indispensable. Tel est d’ailleurs en général le caractère de toutes les idées de la raison pure (spéculative). Kant insiste sur ce point (Appendice à la dialectique transcendentale, p. 228). — Les concepts de l’entendement ne suffisent pas à l’achèvement de la connaissance humaine : ils servent bien à relier les éléments divers que perçoivent nos sens, et à constituer, par l’enchaînement qu’ils y opèrent, des séries de conditions (p. 229) ; mais, pour donner à la connaissance la plus haute unité à laquelle elle puisse atteindre, il faut s’élever à l’idée de la totalité de ces séries. Or c’est à quoi servent précisément les idées de la raison pure : « Elles dirigent l’entendement, dit Kant (p. 230), vers un certain but où convergent les lignes que suivent toutes ses règles, et qui, bien qu’il ne soit qu’une idée (focus imaginarius), c’est-à-dire un point d’où les concepts de l’entendement ne partent pas réellement, puisqu’il est placé tout à fait en dehors des limites de l’expérience possible, sert cependant à leur donner la plus grande unité avec la plus grande extension. » Tel est le véritable usage des idées de la raison pure. Si nous ne leur demandions autre chose qu’un principe d’unité, et par là une règle propre à nous diriger au milieu de la multiplicité des phénomènes, nous nous conformerions à leur destination et nous ne courrions pas risque de nous égarer. Tout ce qui est fondé sur la nature de nos facultés doit avoir une fin et un légitime usage ; il ne s’agit que d’en trouver la vraie destination (v. p. 228-229). Les idées transcendentales doivent donc avoir aussi leur bon usage, et cet usage consiste à donner pour but aux actes de l’entendement une certaine unité à laquelle celui-ci n’atteint pas par lui-même. Malheureusement, cet usage