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PRÉFACE

culative, se rattachent à ce concept et acquièrent avec lui et par lui, de la consistance et de la réalité objective, c’est-à-dire que leur possibilité est prouvée par le fait que la liberté est réelle ; car cette idée se manifeste par la loi morale.

Cependant la liberté est aussi la seule de toutes les idées de la raison spéculative dont nous connaissons (wissen) à priori la possibilité, sans toutefois la percevoir {einzusehen) y parce qu’elle est la condition[1] de la loi morale, que nous connaissons. Les idées de Dieu et d’immortalité ne sont pas des conditions de la loi morale, mais seulement des conditions de l’objet nécessaire d’une volonté déterminée par cette loi, c’est-à-dire de l’usage simplement pratique de notre raison pure. Aussi pouvons-nous affirmer que nous ne connaissons ni ne percevons, je ne dirai pas simplement la réalité, mais même la possibilité de ces idées. Toutefois elles sont les conditions de l’application de la volonté moralement déterminée à l’objet qui lui est donné à priori (le souverain bien). On peut donc et on doit en admettre la possibilité au point de vue pratique, quoiqu’on ne puisse théori-

  1. Pour qu’on ne songe pas à trouver ici des inconséquences, parce que je nomme maintenant la liberté la condition de la loi morale, et que je soutiens par la suite, dans ce traité, que la loi morale est la condition sans laquelle nous ne pouvons d’abord devenir conscients de la liberté, je rappellerai seulement que la liberté est sans doute la ratio essendi de la loi morale, mais que la loi morale est la ratio cognoscendi de la liberté. Car si la loi morale n’était d’abord clairement conçue (gedacht) dans notre raison, nous ne nous croirions jamais autorisés à admettre une chose telle que la liberté (quoiqu’elle n’implique pas contradiction). Mais s’il n’y avait pas de liberté, la loi morale ne se trouverait nullement en nous.