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DE L'INTELLIGENCE.




§ XXIX.


De l’ivresse.


L’imagination (1)[1] ne peut être excitée ou calmée par aucun agent corporel consommé pour le plaisir de s’enivrer. Quelques-uns, tels que des poisons, affaiblissent la force vitale (certains champignons, le lédon, l’acanthe brancheursine sauvage, le chika des Péruviens et lava des Indiens de la mer du Sud, l’opium), tandis que d’autres la fortifient, en exaltent du moins le sentiment (telles sont certaines boissons fermentées.

  1. (1) Je ne parle pas ici de ce qui n’est pas un moyen pour un but, mais d’une conséquence naturelle de la position où se trouve placé quelqu’un, lorsque son imagination le met hors de lui-même. Tel est le vertige qu’on éprouve en regardant en bas lorsqu’on se trouve placé au bord d’une élévation à pente escarpée (c’est ce qui arrive toujours lorsqu’on passe sur un pont étroit dépourvu de garde-fou). Tel est encore le mal de mer. — La planche sur laquelle un homme se sent chanceler en marchant ne lui occasionne pas la moindre peur si elle est placée par terre ; mais si elle forme comme un sentier placé sur un abîme profond, la seule pensée qu’on peut faire un faux pas met aussitôt en péril réel de tomber au passage. — Le mal de mer (dont j’ai fait moi-même l’expérience dans le trajet, ou, si l’on veut, dans le voyage maritime de Pillau à Kœnigsberg) avec ses accès de vomissements, peut m’être arrivé, comme je crois l’avoir remarqué, simplement par les yeux, lorsque, dans le mouvement du navire, aperçu de la cajute, mes yeux étaient frappés tantôt de la vue de la mer, tantôt d’un point plus élevé ; et le mouvement de bas et de haut excitait à l’aide de l’imagination dans mes muscles abdominaux un phénomène antipéristaltique des entrailles. — (Comparez l’observation générale du § 79. Sch.)