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470 APPENDICES.

du cerveau, état qui est une sorte d'impuissance de conserver l'unité de la conscience dans la succession des représentations. Aussi m'arrive-t-il de prévenir mon auditeur ou mon lecteur de ce que je veux lui dire, comme on le fait constamment dans tout discours, de lui mettre devant les yeux le but que je veux atteindre, ensuite le point d'où je suis parti (sans ces indications il ne se trouve plus de liaison dans le discours) ; et si alors je veux en unir les deux extrémités, je suis obligé de demander tout à coup à mon auditeur (ou de me demander secrètement à moi-même) : Où donc en étais-je? D'où suis-je parti? Ce vice est celui non seulement de l'esprit ou de la mémoire, mais de la présence d'esprit (dans la liaison); c'est-à-dire que c'est une distraction involontaire et un défaut très pénible ; défaut qu'à la vérité l'on peut corriger dans les écrits, mais avec beaucoup de peine, et auquel on ne remédiera pas parfaitement, surtout dans les écrits philosophiques, où il n'est pas toujours si facile de remonter au point d'où l'on est parti.

Il en est du mathématicien, qui dispose devant lui ses notions ou ce qui en tient lieu (les signes des grandeurs et des nombres) en se les représentant en intuition, de sorte que, quelque chemin qu'il ait fait, il peut s'assurer si tout est juste, autrement que de celui qui s'occupe d'une partie où il faut toujours fixer son sujet flottant devant soi dans l'air, telle que la philosophie pure (logique et métaphysique), où l'on est obligé de l'examiner non seulement en partie, mais dans toute l'étendue du système (de la raison pure). Il n'est par conséquent pas surprenant qu'un métaphysicien soit plutôt invalide que celui qui étudie dans une autre partie, comme les philosophes pratiques; il doit cependant y avoir quelques-uns de ceux-ci qui s'appliquent entièrement à la philosophie spéculative, parce qu'en général sans métaphysique il ne pourrait y avoir de philosophie. On peut encore expliquer par là comment il arrive qu'on puisse se flatter d'être bien portant pour son âge, quoique à la vérité, par rapport à certaines circonstances qui nous atteignent on dût