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à la nature humaine et à la pureté des mœurs de fonder l'attente d’une autre vie sur les sentiments d’une âme bien réglée, que de fonder au contraire la régularité de sa conduite sur l’espérance d’une autre vie. Telle est aussi la foi morale dont la simplicité peut être au-dessus de toutes les subtilités du raisonnement, et qui seule convient à l’homme dans toutes les conditions, puisqu’elle le conduit sans détour à sa véritable fin. Laissons donc à la spéculation et à la sollicitude des esprits désœuvrés toutes les théories bruyantes sur des objets si étrangers. Elles nous sont en réalité indifférentes, et l’apparence fugitive des raisons pour ou contre pourra bien se prononcer sur l’assentiment des écoles, mais elle décidera difficilement quelque chose sur la destinée future des honnêtes gens. Aussi bien la raison humaine n’a pas des ailes assez puissantes pour franchir les nuages si élevés qui dérobent à nos yeux les mystères de l’autre monde, et l’on peut donner à ceux qui désirent si vivement les pénétrer le simple mais très naturel avis, que le plus prudent de beaucoup est de vouloir bien attendre qu’ils soient arrivés. Mais comme notre sort dans la vie future peut fort bien tenir à la manière dont nous aurons rempli notre tâche dans celle-ci, je conclus par les mots que Voltaire met dans la bouche de son honnête Candide, après bien des discussions inutiles : Occupons-nous de notre affaire, allons au jardin et travaillons.