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est impossible dans le cas dont nous parlons, on sera forcé de reconnaître, d’un autre côté, que pour un esprit tranquille et libre de préjugés, elle est superflue et sans nécessité. La vanité de la science excuse volontiers ses occupations sous prétexte d’importance, et l’on prétend d’ordinaire, en ces sortes de choses, que la vue rationnelle de la substance spirituelle de l’âme est nécessaire à la persuasion de l’existence après la mort, et que cette persuasion importe grandement comme mobile d’une vie vertueuse. La curiosité oisive ajoute que la véracité des apparitions de revenants peut même donner de tout ceci un preuve expérimentale. Mais la véritable sagesse est la compagne de la simplicité, et comme le cœur y commande à l’entendement, elle rend d’ordinaire superflu tout l’appareil de l’érudition, et ses fins se passent de moyens qui ne peuvent jamais être à la disposition de tout le monde. Comment ! il ne serait bon d’être vertueux que parce qu’il y a un autre monde, où les actions ne mériteraient pas plutôt d’être récompensées parce qu’elles seraient bonnes et vertueuses en elles-mêmes ! Le cœur humain ne contient-il pas des préceptes d’une moralité immédiate, et doit-on, pour conduire l’homme en conséquence de sa destinée, appuyer absolument les machines à un autre monde ! Peut-il s’appeler honnête, peut-il s’appeler vertueux celui qui s’adonnerait volontiers aux vices s’il ne craignait des châtiments à venir, et ne faudrait-il pas dire plutôt qu’il craint à la vérité de faire le mal, mais qu’il nourrit dans son âme des sentiments vicieux, qu’il tient aux avantages des actions qui ont l’apparence des vertus, mais qu’en réalité il déteste la vertu même ? En fait, l’expérience enseigne qu’un grand nombre de ceux qui ont appris l’existence d’un monde à venir et qui en sont persuadés, esclaves qu’ils sont cependant du vice et de la bassesse, ne songent qu’au moyen d’échapper frauduleusement aux suites fâcheuses qu’ils redoutent ; mais jamais âme honnête n’a pu supporter la pensée que la mort soit la fin de toutes choses, et ses nobles sentiments l’ont toujours portée à l’espérance de l’avenir. Il semble donc plus conforme