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avec les morts quand il lui plaît, et lit dans leur mémoire (faculté représentative) l’état où ils se voient eux-mêmes, et l’aperçoit aussi clairement qu’avec les yeux du corps. De plus, l’immense éloignement des êtres doués de raison qui habitent le monde n’est rien par rapport à l’univers spirituel, et s’entretenir avec un habitant de Saturne ne lui est pas plus difficile que de converser avec l’âme d’un défunt. Il ne s’agit que du rapport de l’état intérieur et de la liaison qu’ils forment entre eux suivant leur communion dans le vrai et dans le bien. Mais les esprits plus éloignés peuvent aisément entrer en relation à l’aide d’autres esprits. Il n’est donc pas nécessaire que l’homme ait réellement habité les autres corps cosmiques, pour les connaître et avec eux toutes leurs merveilles. Son âme lit dans la mémoire des autres citoyens du monde qui ont quitté leur demeure les représentations qu’ils se sont faites de leur vie et de leur habitation ; il y voit les objets comme il pourrait le faire par une intuition immédiate.

Une idée capitale dans les fantaisies de Swedenborg, c’est que les êtres corporels n’ont aucune substance propre, qu’ils ne subsistent que par le monde spirituel, et que chaque corps est redevable de son existence non à un esprit seul, mais à tous réunis. La connaissance des choses matérielles a donc un double sens, l’un extérieur, dans le rapport de la matière avec elle-même ; l’autre intérieur, en tant qu’elles indiquent comme effets les forces du monde spirituel, qui sont leurs causes. C’est ainsi que le corps de l’homme a un rapport des parties entre elles suivant des lois matérielles ; mais en tant qu’il est conservé par l’esprit qui vit en lui, les différents membres qui le composent et leurs fonctions ont une valeur significative pour les facultés de l’âme par l’action de laquelle ils reçoivent la forme, l’activité et la durée. Ce sens intérieur est inconnu aux hommes, et Swedenborg, qui en pénétrait ce qu’il y a de plus secret, a voulu leur en apprendre l’existence. Il en est de même des autres choses du monde sensible ; elles ont, comme on l’a dit, une signification comme choses, ce qui est peu, et une autre comme