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maladie. Enfin, il ne serait pas du tout étonnant de trouver en même temps dans un visionnaire, un fantaste, du moins par rapport aux images accessoires de ses apparitions, parce que des représentations d’une nature étrange, et qui sont inconciliables avec celles de l’état corporel de l’homme, se produisent et introduisent dans la sensation extérieure des images mal assorties, d’où naissent d’affreuses chimères et des figures merveilleuses, qui font illusion aux sens trompés par tout cet appareil, quoiqu’elles puissent avoir une véritable influence spirituelle pour fondement.

Il n’est pas difficile maintenant de donner une explication vraisemblable des contes de revenants, qui se rencontrent si souvent sur le chemin du philosophe, et de toutes les influences spirituelles dont U est question ici ou là. Des âmes séparées et de purs esprits ne peuvent certainement se montrer jamais à nos sens extérieurs, ni être d’ailleurs en commerce avec la matière, mais ils peuvent bien agir sur l’esprit de l’homme, qui forme avec eux une grande république, de telle manière que les représentations qu’ils excitent en lui se revêtent, suivant la loi de sa fantaisie, d’images analogues, et produisent l’apparence d’objets hors de lui qui leur seraient conformes. Chaque sens est sujet à cette illusion, et quoique cette illusion fût mêlée de chimères absurdes, il n’y aurait pas de raison cependant de n’y pas présumer des influences spirituelles. Je ferais injure à la pénétration du lecteur en insistant sur l’application de ce moyen d’explication ; telle est, en effet, la souplesse des hypothèses métaphysiques, qu’il faudrait être bien maladroit pour ne pas pouvoir accommoder celle-ci à tout récit merveilleux, avant même d’en avoir recherché la véracité, ce qui est impossible dans beaucoup de cas, et très impoli dans un plus grand nombre d’autres.

Lors cependant qu’on suppute les avantages et les inconvénients qui peuvent en résulter pour celui qui est organisé non seulement pour le monde sensible, mais aussi, à un certain degré, pour l’insensible (autant du moins que c’est possible),