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RÊVES D'UN HOMME QUI VOIT DES ESPRITS.


libre, et en recevoir réciproquement l’influence. Car le côté moral du fait concernant l’état interne de l’esprit ne peut non plus attirer à soi l’action adéquate de toute la morale que dans la communauté immédiate des esprits. Il devrait donc arriver de là que l’âme humaine, déjà dans cette vie et par suite de l’état moral, devrait occuper sa place parmi les substances spirituelles de l’univers, de même que, d’après les lois du mouvement, les matières répandues dans l’immensité de l’espace se disposent entre elles dans un ordre qui est la conséquence de leurs forces corporelles[1]. Quand donc, enfin, le commerce de l’âme et du monde corporel est rompu par la mort, la vie dans l’autre monde ne serait plus qu’une conséquence naturelle de la liaison où elle s’y serait déjà trouvée dans cette vie, et toutes les conséquences de la moralité d’ici-bas se retrouveraient alors dans les effets qu’un être en communion indissoluble avec tout le monde spirituel y a déjà pratiqués auparavant d’après les lois qui régissent les esprits. Le présent et l’avenir seraient donc formés comme d’une seule pièce, et composeraient un tout continu, même d’après l’ordre de la nature. Cette dernière circonstance est d’une importance toute spéciale. Car, dans une conjecture fondée sur les seuls principes de la raison, il y a une grande difficulté, si, pour faire disparaître la dissonnance qui résulte de l’incomplète harmonie entre la moralité et ses suites dans ce monde, on se trouve obligé de recourir à une volonté divine extraordinaire, par la raison que, si vraisemblable que puisse être le jugement sur cette volonté, d’après nos idées de la sagesse divine, il est

  1. On pourrait faire consister le commerce de l’homme et du monde spirituel, par suite du principe de la moralité, suivant les lois de l’influence pneumatique, en ce qu’il en résulte naturellement une communauté plus étroite d’une âme bonne ou mauvaise avec des esprits bons as méchants, et que les âmes s’associent de la sorte à la partie de la république spirituelle qui est d’accord avec leur espèce de moralité, avec participation à toutes les conséquences qui peuvent naturellement s’en suivre.