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la vie, quels qu’ils puissent être encore dans la nature, quoiqu’il n’y en ait aucune manifestation par des caractères extérieurs. Toutes ces natures immatérielles, dis-je, qu’elles exercent leur influence dans le monde corporel ou non, tous les êtres raisonnables, dont l’état contingent est animal, que ce soit ici sur la terre ou dans d’autres corps célestes qu’ils animent ou doivent animer un jour la grossière étoffe de la matière, ou qu’ils l’aient animée déjà, seraient, d’après ces idées, dans un commerce d’accord avec leur nature, et ce commerce ne reposerait pas sur les conditions qui limitent le rapport des corps, et où disparaît l’éloignement des lieux ou des âges qui forme dans le monde sensible le grand abîme où disparaît tout commerce. L’âme humaine devrait donc être regardée comme liée déjà, dans la vie présente, aux deux mondes. Comme liée en une personne unique avec le corps, elle sent nettement de ces mondes l’influence matérielle seule ; comme partie du monde des esprits, elle sent et rend les pures influences des natures immatérielles, en telle sorte qu’aussitôt que la première liaison a cessé, la communauté où l’âme continue d’être avec les natures spirituelles subsiste seule, et devrait donner d’elle-même à la conscience une claire intuition[1].

Il me sera de plus en plus difficile de parler toujours le langage circonspect de la raison. Pourquoi ne me serait-il pas permis de parler du ton académique, qui est tranchant, et dispense aussi bien l’auteur que le lecteur de la réflexion qui ne

  1. Quand on parle du ciel comme séjour des bienheureux, la commune représentation le place volontiers en haut, quoique dans l’immensité de l’espace cosmique. On ne fait pas attention que notre terre, vue de ces régions, apparaît aussi comme une des étoiles du ciel, et que les habitants des autres mondes pourraient avec une raison non moins grossière le montrer vers nous et dire : Voilà le séjour des éternelles joies, et la demeure céleste préparée pour nous recevoir un jour. C’est donc par une admirable illusion que le vol élevé de l’espérance se trouve toujours attaché à a notion de monter, sans réfléchir que, si haut