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APPENDICES.


comme le diadème fragile de sa dignité terrestre, et les clefs qui ouvrent les deux portes de l’autre monde ouvrent en même temps d’une manière sympathique les coffres du monde présent. Ces droits du royaume spirituel, autant qu’on peut le prouver par les raisons de la politique, sont bien au-dessus de toutes les vaines objections des gens d’école, et l’usage ou l’abus qu’on en peut faire est trop respectable déjà pour qu’il soit nécessaire de le soumettre à un si indigne examen. Mais les contes vulgaires qui trouvent tant de créance, et qui sont au moins si mal combattus, pourquoi donc circulent-ils si inutilement ou si impunément, ou pénètrent-ils jusque dans les sociétés savantes, quoiqu’ils n’aient pas en leur faveur la preuve tirée de l’utilité (argumentum ab utili), la plus persuasive de toutes ? Quel philosophe, placé entre les attestations d’un témoin oculaire plein de bon sens et de la persuasion la plus ferme, d’une part, et la résistance intérieure d’un doute invincible, d’autre part, n’a pas fait quelquefois la plus sotte figure qu’on puisse imaginer ? Niera-t-il absolument la vérité de toutes ces apparitions ? Sur quelles raisons se fondera-t-il pour les réfuter ?

N’accordât-il qu’un seul de ces récits comme vraisemblable, de quelle importance ne serait pas un pareil aveu, et quelles conséquences merveilleuses n’en tirera-t-on pas un seul événement de ce genre peut être regardé comme établi ? Il y a bien encore un troisième cas, celui de ne point s’occuper du tout de ces questions curieuses ou oiseuses, et de s’en tenir à l’utile. Mais ce parti, précisément parce qu’il est raisonnable, est toujours rejeté à la pluralité des voix par les vrais savants.

Comme il n’y a pas moins de sot préjugé à ne rien croire sans raison de ce qui est raconté par un grand nombre avec quelque apparence de vérité, qu’à croire sans examen tout ce que débite la rumeur publique, l’auteur de cet écrit, pour échapper au premier de ces préjugés, s’est laissé en partie aller au second. Il confesse avec une sorte d’humilité qu’il a été assez bon pour rechercher la vérité de quelques récits de cette