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preuves tout à fait notoires. Lorsqu’il lui fut parlé de ma lettre, il répondit qu’il l’avait fort bien prise, et qu’il y aurait déjà répondu s’il n’avait pas préféré porter à la connaissance du public tant de choses prodigieuses. Il doit aller à Londres en mai prochain, et y publier un livre où se trouvera la réponse à ma lettre, article par article.

Pour vous donner, Mademoiselle, une double preuve de ce dont un public encore vivant peut témoigner, et que l’homme qui me la rapporte a pu immédiatement recueillir sur les lieux, je vous prie de remarquer les deux faits suivants :

Mme Harteville[1], veuve de l’envoyé hollandais à Stockholm, peu de temps après la mort de son mari, reçut de l’orfèvre Croon la réclamation du paiement d’un service d’argent que feu M. Harteville lui avait fait faire. La veuve était persuadée que son mari, dont l’exactitude et l’ordre lui étaient connus, devait avoir payé cette dette ; mais elle ne pouvait produire aucune quittance. Dans cet embarras, et comme le prix réclamé était assez fort, elle eut recours à M. de Swedenborg. Après quelques excuses, elle lui dit que, s’il avait, comme on le disait, le pouvoir extraordinaire de s’entretenir avec les âmes des morts, il voulût bien s’informer auprès de son mari si la réclamation de l’orfèvre était fondée. Swedenborg consentit facilement à sa demande. Trois jours après, cette dame avait chez elle une société qui prenait le café, M. Swedenborg y vint, et lui dit avec sang-froid qu’il avait parlé à son mari ; que la dette en question avait été payée sept mois avant sa mort, et qu’elle en trouverait la quittance dans une armoire qui était à la chambre haute. La dame répondit que ce buffet avait été tenu et rangé de fond en comble, et qu’on n’avait pas trouvé cette quittance parmi les papiers. Swedenborg dit que le mari défunt lui avait


  1. Cette anecdote et la suivante ont été reproduites dans la partie historique des Rêves d’un Visionnaire, mais reportées à l’année 1759. Nul doute pourtant que les deux récits ne soient plus anciens, puisque Borowski a publié cette lettre avec la date que portait le manuscrit original, et l’a fait entrer dans sa Biographie de Kant, p. 211 et suiv. - Schubert