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compatible avec la puissance au dehors. — Un tel caractère est une grossièreté orgueilleuse, par opposition à une politesse qui se rend aisément familière ; c’est une conduite insolente envers autrui, par suite de l’indépendance présumée où l’on croit être à son égard, et par conséquent un prétendu droit de manquer de complaisance envers chacun.

De telle façon que les deux peuples les plus civilisés de la terre[1], qui sont opposés de caractère, et qui par cette raison peut-être sont toujours en guerre l’un avec l’autre, l’Angleterre et la France, seront peut-être aussi, quant à leur caractère natif, dont le caractère acquis et artificiel n’est que la conséquence, les seuls peuples dont on puisse dire qu’ils ont un caractère déterminé, immuable, autant du moins qu’ils n’auront pas été fondus par la conquête. — Si la langue française est la langue générale de la conversation, surtout des réunions où règne la finesse féminine, tandis que la langue anglaise est la langue du commerce la plus répandue[2], cela tient à la situation continentale et insulaire des deux pays. Mais pour ce qui est de leur naturel d’aujourd’hui et de sa formation par le langage, il doit être dérivé du caractère inné de la

  1. Il va sans dire que dans cette classification le peuple allemand ne figurera pas, parce que l’éloge que l’auteur en pourrait faire serait un éloge de soi-même, puisqu’il est Allemand.
  2. L’esprit commercial montre aussi certaines modifications de son orgueil dans la différence du ton dont il se glorifie. L’Anglais dit : « Tel homme vaut un million ; » le Hollandais : « Il commandite un million ; » le Français : « Il possède un million. »