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de table, même à table d’hôte, ce qui s’y débite publiquement par un convive indiscret contre un absent, ne peut cependant pas sortir de cette réunion, et ne peut être rapporté. En effet, toute réunion de ce genre, sans même qu’il y ait eu convention particulière à cet égard, emporte une certaine sainteté et un devoir de se taire sur ce qui pourrait causer ailleurs du désagrément à un convive ; autrement c’en serait fait de la confiance, si profitable à la culture morale même ; c’en serait fait de cette société qui doit être agréable à tous ses membres. — S’il se tenait dans une réunion publique de cette espèce (car une société de table, si nombreuse qu’elle soit, n’est toujours qu’une réunion particulière, et il n’y a que la société civile en général qui soit publique, quant à l’idée) des propos défavorables sur le compte de mon meilleur ami, je prendrais certainement sa défense ; je me chargerais, à mes risques et périls, de la dureté et de l’amertume de l’expression dirigée contre lui ; mais je ne me ferais pas l’écho de ces mauvais propos au dehors, et ne les rapporterais point à l’homme qu’ils concernent. — Ce n’est pas seulement un goût de société qui doit présider à la conversation, ce sont aussi des principes destinés à mettre une condition restrictive à la liberté dans l’échange public des pensées.

Il y a dans la confiance qui doit régner entre des hommes qui mangent à la même table, quelque chose d’analogue à d’anciens usages, par exemple à celui des Arabes ; aussitôt que l’étranger a pu obtenir chez eux, dans leur tente, une seule jouissance (un peu d’eau à