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que les matelots qui, à l’appel au combat, se hâtent d’aller au cabinet d’aisances, sont ensuite les plus courageux à la bataille. La même chose s’observe dans le héron lorsqu’il s’apprête à recevoir l’attaque du faucon qui plane au-dessus de lui dans les airs.

La patience n’est donc pas du courage. C’est une vertu de femme, parce qu’elle ne donne pas la force de résister ; elle espère rendre insensible la souffrance (l’endurance) par l’habitude. Celui qui crie sous le scalpel du chirurgien, ou dans les douleurs de la goutte et de la pierre, n’est pas pour cette raison et dans cet état un poltron ou un efféminé ; c’est comme l’imprécation qui échappe, lorsqu’on s’achoppe en marchant contre un caillou qui se trouve sur le chemin (avec le gros orteil, d’où est venu le mot hallucinari) ; elle est plutôt l’expression de la colère, que tend à dissiper en criant l’action du sang dans le cœur. — Les Indiens d’Amérique font preuve d’une patience singulière ; quand ils sont investis, ils jettent leurs armes, et, sans demander grâce, se laissent massacrer. Montrent-ils en cela plus de courage que les Européens qui se défendent, en pareil cas, jusqu’au dernier homme ? Je n’y vois qu’une ostentation barbare, dans le but de conserver à sa tribu l’honneur de ne pas pouvoir être contraint par l’ennemi à pousser des plaintes et des gémissements comme des témoignages de soumission.

Le courage, comme émotion (en tant donc qu’il participe de la sensibilité), peut aussi être excité par la raison et prendre le caractère d’une véritable intré-