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216 DE LA FACULTÉ APPÉTITIVE.

Ce que l'émotion de la colère ne fait pas dans le moment de l'exaspération, elle ne le fait pas du tout; de plus, elle l'oublie aisément. Mais la passion de la haine prend son temps pour s'enraciner profondément et pour penser à son ennemi. — Un père, un instituteur ne peuvent pas punir s'ils n'ont pas eu seulement la patience d'entendre l'excuse (je ne dis pas la justification ). — Engagez celui qui vient en colère vous trouver dans votre chambre pour vous dire de gros mots dans son emportement, engagez-le poliment à s'asseoir; si cela vous réussit, ses injures seront déjà moins violentes, parce que la commodité d'être assis est une absence de tension [musculaire] qui va mal avec les gestes menaçants et les cris dans la station. La passion au contraire (comme disposition de l'âme appartenant à la faculté appétitive) se donne le temps, si violente qu'elle puisse être, d'atteindre sa fin; elle est réfléchie. — L'émotion agit comme une eau qui rompt la digue ; la passion comme un torrent qui se creuse un lit de plus en plus profond. L'émotion agit sur la santé comme un coup de sang; la passion comme une phthisie ou une consomption. — L'émotion est comme une ivresse qu'on cuVe, quoiqu'un mal de tête s'en suive; mais la passion est comme une maladie résultant de l'absorption d'un poison ou d'une constitution viciée, qui a besoin d'un médecin interne ou externe de l'âme, capable sinon de la guérir tout à fait, ce qui est très difficile, du moins de lui administrer des palliatifs. Où il y a beaucoup d'émotion il y a ordinairement