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plus long qu’il a fallu pour le franchir. Au contraire, le vide [l’absence d’objets, de villages, de maisons de campagne], dans la seconde de ces situations, laisse peu d’impression des choses aperçues, et fait conclure à un trajet plus court, par conséquent à un temps moins long que ne l’indiquerait une montre. — Il en est de même précisément de la multitude des instants qui marquent la dernière partie de la vie par des travaux variés ; ils font au vieillard l’effet d’une existence passée plus longue qu’il n’avait cru d’après le nombre des années ; le temps rempli par des occupations qui s’enchaînent régulièrement, qui ont un grand but à atteindre (vitam extendere factis), est le seul moyen sûr d’être content de sa vie, et cependant de ne pas la regretter. « Plus tu as pensé, plus tu as agi, plus tu as vécu (même dans ta propre imagination). » — Une pareille vie peut donc se clore avec satisfaction.

Mais qu’est-ce que le contentement (acquiescentia) pendant la vie ? — Il est inaccessible à l’homme : il n’existe ni au point de vue moral (il faudrait pour cela être satisfait de soi-même dans la pratique du bien), ni au point de vue pragmatique (ce qui supposerait qu’on serait content du bien-être que l’on a pu se procurer par son talent et sa prudence). La nature a mis la douleur dans l’homme pour le faire agir ; et même au dernier moment de la vie, le contentement qu’on peut éprouver à la vue de la dernière scène du drame, n’est que relatif (soit que nous comparions notre lot à celui de beaucoup d’autres, soit que nous