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III. Pour ce qui est du droit cosmopolitique, je le passerai ici sous silence ; car, à cause de son analogie avec le droit des gens, il est facile d’en indiquer et d’en apprécier les maximes.

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Le principe de l’incompatibilité des maximes du droit des gens avec la publicité nous fournit donc ici un excellent critérium pour reconnaître les cas où la politique ne s’accorde pas avec la morale (comme doctrine du droit). Mais il faut savoir aussi à quelle condition ses maximes s’accordent avec le droit des gens. En effet, de ce qu’elles comportent la publicité, on ne peut pas conclure certainement qu’elles soient justes, car celui qui a une supériorité décidée n’a pas besoin de tenir ses maximes secrètes. — La condition de la possibilité d’un droit des gens en général, c’est qu’il existe d’abord un état juridique, car sans cela il n’y a pas de droit public ; tout droit que l’on peut concevoir en dehors de cet état est un droit purement privé. Or nous avons déjà vu qu’une fédération de puissances, ayant simplement pour but d’écarter la guerre, était le seul état juridique compatible avec la liberté de ces puissances. L’accord de la politique avec la morale n’est donc possible qu’au moyen d’une union fédérative (cette union par conséquent, au point de vue des principes du droit, est donnée a priori et elle est nécessaire) ; et toute la politique a pour fondement juridique l’établissement d’une union de ce genre, dans sa plus grande extension ; autrement toute son habileté n’est qu’imprudence et secrète injustice. — Cette basse politique[ndt 1] a sa casuistique, qui ne le cède en rien à celle des meilleurs jésuites : — la restriction mentale (reservatio mentalis) dont elle fait usage dans la rédaction des traités publics où elle a soin d’employer des expressions qu’elle puisse, selon l’occasion, interpréter à son avantage (par exemple la distinction du statu quo de fait et de droit[ndt 2]) ; — le probabilisme (probabilismus), qui consiste à imaginer dans les autres de mauvais desseins ou à chercher dans l’apparence d’une supériorité possible un motif légitime de miner des États pacifiques ; enfin le péché

  1. Afterpolitik.
  2. Ce sont les expressions même employées ici par Kant.