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perpétuelle) vous sera donné par surcroît.» Car la morale a cela de particulier, même relativement aux principes sur lesquels elle fonde le droit public (par conséquent relativement à cette partie de la politique qui peut être déterminée à priori) que, moins elle vise dans la conduite au but proposé, c’est-à-dire à l’avantage, soit physique, soit moral, qu’on a en vue, plus elle y conduit en général. Cela vient de ce que c’est justement la volonté générale donnée à priori (dans un peuple ou dans les relations de différents peuples entre eux) qui seule détermine ce qui est de droit parmi les hommes, et que cette union de toutes les volontés, pourvu qu’elle se montre conséquente dans la pratique, peut être en même temps, même d’après le mécanisme de la nature, une cause qui produise l’effet que l’on se propose et qui assure la réalisation de l’idée du droit. — C’est par exemple un principe de la politique morale qu’un peuple ne doit se constituer en État que d’après les idées juridiques de la liberté et de l’égalité, et ce principe ne se fonde pas sur la prudence, mais sur le devoir. Or les moralistes politiques ont beau raisonner sur le mécanisme naturel d’une multitude d’hommes se réunissant en société, lequel affaiblit ces principes et ruine ce dessein ; ils ont beau chercher à prouver leur dire par des exemples empruntés aux constitutions mal organisées des temps anciens et modernes (par exemple aux démocraties sans système représentatif), ils ne méritent pas d’être écoutés ; car ils produisent eux-mêmes le mal dont ils parlent par cette funeste théorie, qui confond l’homme dans une même classe avec les autres machines vivantes, auxquelles il ne manque pour se juger elles-mêmes les êtres les plus misérables du monde, que la conscience de n’être pas libres.

La maxime quelque peu emphatique[ndt 1], mais vraie, fiat justitia, pereat mundus, cette maxime, qui est passée en proverbe et qu’on peut traduire ainsi : « Que la justice règne, dussent périr tous les scélérats que renferme le monde,» est un principe de droit hardi et qui coupe tous les chemins tortueux tracés par la ruse ou la violence. Seulement il faut bien l’entendre : il ne nous autorise point à user de

  1. Etwas renomistick klingende.