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de vue théorétique, au point de vue pratique (par exemple relativement à l’idée du devoir de paix perpétuelle, vers laquelle il s’agit de tourner le mécanisme de la nature), elle a un fondement dogmatique qui en assure la réalité. — Le mot nature, d’ailleurs, lorsqu’il n’est question, comme ici, que de théorie, non de religion, est une expression qui convient mieux aux bornes de la raison humaine (laquelle, relativement au rapport des effets à leur cause, doit se renfermer dans les limites de l’expérience possible), et qui est plus modeste que celle de providence, laquelle désigne un être que nous ne pouvons connaître, et annonce, de notre part, une pensée aussi téméraire que la tentative d’Icare, celle de pénétrer l’impénétrable mystère de ses desseins.

Avant de déterminer avec plus de précision cette garantie, il est nécessaire de considérer la situation où la nature a placé les personnages qui doivent figurer sur son vaste théâtre et qui finit par leur rendre nécessaire cette garantie de la paix ; — nous verrons ensuite comment elle la leur fournit.

Voici ses dispositions provisoires : 1o  Elle a mis les hommes en état de vivre dans toutes les contrées de la terre ; — 2o  elle les a dispersés au moyen de la guerre dans toutes les régions, même les plus inhospitalières, afin de les peupler ; — 3o  elle les contraint par le même moyen à contracter des relations plus ou moins légales. — Que dans les froides plaines qui bordent la mer Glaciale croisse partout la mousse, que déterre sous la neige le renne, qui lui-même sert, soit à nourrir, soit à traîner l’Ostiaque ou le Samoyède ; ou bien que les sables et le sel du désert soient rendus praticables par le moyen du chameau, qui semble avoir été créé tout exprès pour qu’on puisse les traverser, cela est déjà étonnant. Le but se montre plus clairement encore dans le soin qu’a pris la nature de placer, au rivage de la mer Glaciale, outre les animaux couverts de fourrure, des phoques, des vaches marines et des baleines, dont la chair et la graisse fournissent de la nourriture et du feu aux habitants. Mais ce qu’il y a de plus merveilleux, c’est la précaution qu’elle a de fournir (sans qu’on sache trop comment), à ces contrées dépourvues de végétation le bois sans lequel il n’y aurait ni canots, ni armes, ni cabanes pour les habitants, lesquels sont d’ailleurs assez occupés à se défendre contre les animaux pour vivre paisiblement entre eux. — Mais il est probable que la guerre