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la guerre, n’était la difficulté d’en connaître au juste la grandeur.

IV. « On ne doit point contracter de dettes nationales en vue des intérêts extérieurs de l’État. »

Chercher des ressources au dedans ou au dehors dans l’intérêt de l’économie du pays (pour l’amélioration des routes, la fondation de nouvelles colonies, l’établissement de magasins pour les années stériles, etc.) ne présente rien de suspect. Mais il n’en est pas de même de ce système de crédit, — invention ingénieuse d’une nation commerçante de ce siècle, — où les dettes croissent indéfiniment, sans qu’on soit jamais embarrassé du remboursement actuel (parce que les créanciers ne l’exigent pas tous à la fois) : comme moyen d’action d’un État sur les autres, c’est une puissance pécuniaire dangereuse ; c’est en effet un trésor tout prêt pour la guerre, qui surpasse les trésors de tous les autres États ensemble et ne peut être épuisé que par la chute des taxes, dont il est menacé dans l’avenir (mais qui peut être retardée longtemps encore par la prospérité du commerce et la réaction qu’elle exerce sur l’industrie et le gain). Cette facilité de faire la guerre, jointe au penchant qui y pousse les souverains et qui semble inhérent à la nature humaine, est donc un grand obstacle à la paix perpétuelle ; et il est d’autant plus urgent de faire de l’abolition de cet obstacle un article préliminaire de ce traité de paix perpétuelle, que tôt ou tard il en résulterait inévitablement une banqueroute nationale, où bien d’autres États se trouveraient innocemment enveloppés et qui leur causerait ainsi un dommage public. Ils ont donc au moins le droit de se liguer contre un État qui se permettrait pareille chose.

V. « Aucun État ne doit s’immiscer de force dans la constitution et le gouvernement d’un autre État. »

Car par quoi y peut-il être autorisé ? Par le scandale donné à ses propres sujets ? Mais ce scandale est bien plutôt de nature à lui servir de leçon, en lui donnant le spectacle des maux affreux qu’un peuple s’attire par une licence effrénée ; et en général le mauvais exemple qu’une personne libre donne aux autres (comme scandalum acceptum) ne constitue pas pour elles une lésion. — Il n’en serait plus de même, à la vérité, si, par l’effet d’une discorde intérieure, un État se divisait en deux parties, dont chacune formerait un État particulier qui prétendrait dominer le tout ; ce ne serait plus s’immiscer dans la con-