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que celui où le mien et le tien sont garantis par des lois, au sein d’une multitude d’hommes voisins les uns des autres, et où par conséquent les hommes vivent réunis sous une constitution. Or la règle de cette constitution ne peut provenir de l’expérience de ceux qui s’en seraient bien trouvés jusque-là et qui fourniraient ainsi un modèle aux autres ; mais elle doit être tirée en général à priori par la raison de l’idéal d’une association juridique des hommes sous des lois publiques. Tous les exemples (qui ne servent d’ailleurs qu’à expliquer, mais ne sauraient rien prouver) sont trompeurs, et ont ainsi absolument besoin d’une métaphysique. Ceux-là mêmes qui s’en moquent en avouent involontairement la nécessité, quand, par exemple, ils disent, comme ils le font souvent, que « la meilleure constitution est celle où la puissance n’est pas dans les hommes, mais dans les lois. » Car que peut-il y avoir de plus métaphysiquement sublime que cette idée même, qui a d’ailleurs, de leur propre aveu, la réalité objective la plus incontestable ? Elle se fait aussi reconnaître aisément dans les cas qui se présentent ; et, si l’on ne tente pas de l’introduire d’emblée par des moyens révolutionnaires, c’est-à-dire par le renversement violent d’une constitution défectueuse jusque-là en vigueur (car il y aurait dans l’intervalle un moment où tout état juridique aurait disparu), mais par une réforme insensible et suivant de fermes principes, seule, en rapprochant sans cesse les hommes du souverain bien politique, elle peut les conduire à la paix éternelle.