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DROIT POLITIQUE 207

une illusion), en la punissant de mort, ou bien de détourner du crime la peine capitale qui lui convient, c’est-à-dire d’être ou trop cruelle ou trop indulgente. Voici comment on peut résoudre cette difficulté : l’im­pératif catégorique de la justice pénale ( à savoir que l’homicide illégitime d’un autre doit être puni de mort) subsiste toujours; mais la législation elle-même (par conséquent aussi la constitution civile), et cela aura lieu tant qu’elle restera barbare et grossière, est cause que les mobiles de l’honneur dans le peuple ne peuvent (subjectivement) s’accorder avec les règles qui (objec­tivement) sont conformes à son but, de telle sorte que la justice publique, qui émane de l’État, est une injus­tice relativement à celle qui émane du peuple.


II.

Le droit de faire grâce (jus aggratiandi) au coupable, soit en adoucissant sa peine, soit en la lui remettant tout à fait, est de tous les droits du souverain le plus délicat; car, s’il donne plus d’éclat à sa grandeur, il lui fournit aussi le moyen de commettre de graves injustices. — Il ne lui appartient nullement d’exercer ce droit à l’égard des crimes de ses sujets les uns envers les autres, car ici l’impunité (impunitas criminis) est une très grande injustice faite aux sujets. Ce n’est donc que dans les cas la lésion tombe sur lui-même (crimen lœsœ majestatis} qu’il peut en faire usage. Et dans ce cas même il ne le peut pas, si l’impunité doit compro­mettre la sûreté publique. — Ce droit est le seul qui mérite le nom de droit de majesté.