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plaisir ; mais l'atteinte portée à l'honneur de quelqu'un pourrait trouver son équivalent dans l'humiliation in­fligée à l'orgueil de l'offenseur, surtout si celui-ci était forcé par un jugement de la justice à faire publi­quement amende honorable, et même, par exemple, à baiser la main de l'offensé, encore que ce dernier fût d'un rang inférieur. De même un noble violent, qui frapperait un citoyen d'un ordre inférieur, mais inoffensif, devrait être condamné, outre la répara­tion d'honneur, à une détention solitaire et pénible; car par là, non-seulement le bien-être, mais la vanité de l'offenseur seraient péniblement affectés, et cette humiliation compenserait l'offense suivant le principe de l'égalité. — Mais que signifient ces mots : " Si tu voles quelqu'un, tu te voles toi-même? " Celui qui vole ôte la sécurité à la propriété de tous les autres ; il se prive donc lui-même (suivant le droit du talion) de garantie pour toute propriété possible. Il n'a rien et il ne peut non plus rien acquérir, et pourtant il veut vivre, ce qui n'est possible qu'autant que les autres le nourris­sent. Mais, comme l'État ne peut le faire gratuite­ment , il faut bien que le voleur lui abandonne ses forces pour tous les travaux auxquels il conviendra de l'employer (dans les bagnes ou dans les maisons de détention); et il tombe ainsi dans l'état d'esclavage, soit pour un temps, soit, suivant les circonstances, pour toujours. —Si le criminel a commis un meurtre, il faut qu'il meure. Il n'y a pas ici de commutation de peine1 qui puisse satisfaire la justice ; il n'y a rien de


1 Kant se sert ici d'un terme emprunté à la médecine : Surrogat, en français - Succédané.