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ANALYSE CRITIQUE


postulat juridique de la raison pratique, à savoir que « c’est un devoir d’agir envers autrui de telle sorte qu’il puisse regarder comme siennes les choses extérieures ? 1[1] » En effet, s’il est nécessaire d’agir suivant ce principe de droit, il faut admettre en même temps la possibilité d’une possession autre que la possession physique : autrement ce principe même n’aurait pas de sens. Voilà de quelle simple façon Kant résout le problème qu’il s’était posé. De l’idée qu’il veut établir, il fait une conséquence immédiate d’un postulat de la raison pratique ou d’une loi de la liberté. On ne saurait remonter au delà, puisque la liberté, dont cette loi règle l’exercice, ne peut être elle-même conclue que de l’impératif catégorique, comme d’un fait de la raison.

Application.

Il est aisé maintenant d’appliquer à des objets d’expérience le principe de la possibilité du mien et du tien extérieurs 1. Pour cela, il faut s’élever au-dessus du concept de la possession empirique ou de la simple détention, et concevoir la possession comme une manière d’avoir indépendante de toute condition d’espace et de temps, de telle sorte que le concept de la possession d’un objet extérieur ne désigne plus im rapport physique, mais un rapport purement intellectuel. C’est en effet en ce sens seulement qu’il peut y avoir un mien et un tien extérieurs. C’est par là aussi que ce mien et ce tien contiennent pour tous les autres l’obligation de s’abstenir de leur usage, car telle est l’idée renfermée dans cette expression : cet objet extérieur est mien. Ainsi se fonde le droit extérieur : il est indépendant des conditions d’espace et de temps, et repose sur un rapport purement intellectuel. Je n’ai point de droit extérieur sur ce champ, par cela seul que je l’occupe actuellement démon corps, mais seulement si je continue de le posséder, en quelque lieu que je sois. Vouloir faire de l’occupation incessante d’un objet extérieur la condition de sa possession reviendrait à soutenir qu’il n’est pas possible d’avoir à titre de sien quelque chose d’extérieur, ce qui est contraire au postulat déjà invoqué. De même mon droit extérieur sur une chose qu’un autre s’est engagé à me fournir, subsiste indépendamment du temps qui sépare l’engagement antérieurement con-

  1. 1 P.76.-2 P.76.