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c’est, au point de vue pratique, une idée tout à fait juste et même nécessaire que de considérer la procréation comme un acte par lequel nous avons mis au monde une personne sans son consentement et d’une façon tout arbitraire, et qui nous impose l’obligation de lui rendre aussi agréable que nous le pouvons faire cette existence que nous lui avons donnée. — Les parents ne peuvent détruire leur enfant, comme si c’était une œuvre mécanique[1] (car on ne peut considérer ainsi un être doué de liberté) et leur propriété, ni même l’abandonner au hasard ; car ce n’est pas seulement une chose[2] mais un citoyen du monde[3] qu’ils ont produit, et l’existence qu’ils lui ont donnée ne peut, suivant les idées du droit, leur être indifférente.

§ XXIX.

De ce devoir résulte aussi nécessairement pour les parents, tant que leur enfant n’est pas encore lui-même en état de faire usage de son corps et de son esprit, outre le soin de le nourrir et de l’élever, le droit de le diriger[4] et de le former sous le rapport pragmatique, afin qu’il puisse plus tard pourvoir lui-même à son existence et à ses besoins, comme aussi sous le rapport moral, car autrement la faute de leur négligence retomberait sur eux. Mais, dès que l’âge de l’émancipation (emancipatio) est arrivé, ils doivent renoncer à leur droit paternel de commander, comme aussi à toute prétention de dédommagement pour les soins et les peines

  1. Als ihr Gemaechsel.
  2. Ein Weltwesen.
  3. Weltbürger.
  4. Zur Handhabung.